lundi 12 novembre 2018

Leçon de grammaire (Exercice/épreuve d'agrégation en lettres modernes)


Leçon de grammaire sur:
L’infinitif dans Le Neveu de Rameau de Denis Diderot:
(Passage: La tirade de Moi, de "Il usent tout. Leur âme s'hébète..." à " ...le plaisir me couper la  parole")

      A l’opposé des modes personnels (indicatif, subjonctif et l’impératif), l’infinitif entre, avec le participe et le gérondif, dans la catégorie des modes du verbe impersonnel et atemporel ; Il ne présente du procès que sa pure image virtuelle, sans le situer dans le monde actuel (sans le rattacher explicitement à un support sujet) ni à la temporalité.


Ainsi, l’infinitif n’actualise pas le procès verbal, mais laisse ce dernier dans sa dimension absolue, un peu à l’image du nom employé sans déterminant : ex : sentir/ sentiment. De ce fait, dans la Grammaire du français, il est dit la forme nominale du verbe. (Gramm. Méthodique du français, de Jean-Christophe Pellat, Martin Riegel et René Rioul)
       
       Dans le corpus on a pu relever 14 occurrences présentant des verbes à l’infinitif qu’on peut traiter selon le plan suivant :

I_ l’infinitif, une forme intermédiaire entre verbe et nom
1_ la forme verbale :
On note l’omniprésence des verbes du premier groupe dans le corpus.
Les verbes à l’infinitif dans le corpus présentent les formes dont la valeur est celle de :
a_ de voix active pour les verbes transitif comme le cas de :
(         1)   il se hâte d’arranger ses affaires.
(         2)   … et le plaisir me couper la parole.
b_ d’aspect non accompli pour le cas de (3) et accompli pour (4)
(         3)     ce cadet qui… était allé tenter la fortune au loin
(         4)   … après avoir dépouillé son père et sa mère…
L’opposition entre les deux formes, celle de l’infinitif présent (« tenter » dans 3) et l’infinitif passé (« avoir dépouillé» dans 4) relève d’une différence d’aspect : la forme simple/Inf présent indique l’aspect non accompli : le procès (la quête ou la recherche de la fortune) étant envisagé dans son déroulement ; quant à la forme complexe/ Inf passé indique l’aspect accompli : cette forme présuppose que l’action du « dépouillement du père et de la mère » est déjà accompli et l’emploie de l’Adv « après » atteste l’accomplissement du procès, le sujet « il » nous livre l’état nouveau résultant de cet accomplissement.

2_ la forme nominal :
L’infinitif peut entrer dans la phrase comme constituant nominal et y occupe ainsi les fonctions normalement réservées au nom, le cas des occurrences suivantes où il remplie la fonction du COD:
(      5)   j’aime à voir une jolie femme.
(      6)   J’aime à sentir sous ma main la fermeté et la rondeur de sa gorge ;
(      7)   …à presser ses lèvres des miennes ;
(      8)   …à puiser la volupté dans ses regards,
(      9)   …et à en expirer entre ses bras.
Dans la mesure où il n’actualise pas, l’infinitif possède en commun avec le nom sans déterminant cette image virtuelle/absolue, à laquelle il ajoute, comme on l’a montré, l’idée verbale de procès.

II_ Les emplois de l’infinitif :
1_ Emplois verbaux :
L’infinitif peut assumer la fonction de centre de proposition, comme le ferait un verbe conjugué à un mode personnel. Ainsi, il est prédicatif et apporte une information inédite.
a_ Infinitif centre de phrase autonome :
(10)… mon cœur se troubler de joie,
(11)… et le plaisir me couper la parole.
Comme il est inapte à actualiser le procès, l’infinitif ne possède en lui-même aucune valeur modale : il ne permet pas à lui seul, comme le font les autres modes, de donner une indication sur l’attitude de l’énonciateur par rapport à l’énoncé (certitude, volonté, souhait, doute, etc…)
Cette absence de spécificité explique que l’infinitif puisse, selon des contextes particuliers, se plier à toutes les modalités : on le rencontrera dans le cas des phrases 10 et 11 (modalité déclarative) où il peut être remplacé par un indicatif : mon cœur se trouble de joie/ le plaisir me coupe la parole.
b_ En subordonnée :
(12) il m’est infiniment plus doux encore d’avoir secouru le malheureux,
(13) … d’avoir terminé une affaire épineuse
(14) … Je connais telle action que je voudrais avoir faite pour tout ce que je possède.
Dans ces trois occurrences l’infinitif constitue le centre d’une proposition non autonome.
2_ Emplois nominaux :
Tout en conservant ses prérogatives de verbe, l’infinitif peut assumer les divers fonctions syntaxiques du nom.
A la différence de l’emploi verbal, il n’est plus prédicatif et peut donc être repris par un pronom dans les cas de :
a_ Complément d’Objet dans les occurrences 5, 6, 7, 8 et 9
b_ Complément circonstanciel dans l’occurrence 4


Conclusion: 
Au terme de cette étude du corpus, on a relevé les différentes occurrences qui nous présentent l’infinitif dans son emploi verbal comme celui nominal, où il remplie divers fonctions et porte une seule valeur qu’est celle de l’absolu.

NB: Le contenu de cette leçon est une proposition personnelle, susceptible d'être remise en question, mais l'objectif reste celui de partager un exemple de l'exercice de la leçon de grammaire avec les agrégatifs, surtout, et tout intéressé par ce genre de travaux.

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