Leçon de grammaire sur:
L’infinitif dans Le Neveu de Rameau de Denis Diderot:
(Passage: La tirade de Moi, de "Il usent tout. Leur âme s'hébète..." à " ...le plaisir me couper la parole")
A l’opposé des modes personnels (indicatif, subjonctif et
l’impératif), l’infinitif entre, avec le participe et le gérondif, dans la
catégorie des modes du verbe impersonnel et atemporel ; Il ne présente du
procès que sa pure image virtuelle, sans le situer dans le monde actuel (sans
le rattacher explicitement à un support sujet) ni à la temporalité.
Ainsi, l’infinitif n’actualise pas le procès verbal, mais laisse
ce dernier dans sa dimension absolue, un peu à l’image du nom employé sans
déterminant : ex : sentir/ sentiment. De ce fait, dans la Grammaire du français, il est dit la forme
nominale du verbe. (Gramm. Méthodique du français, de Jean-Christophe Pellat, Martin Riegel et René Rioul)
Dans
le corpus on a pu relever 14 occurrences présentant des verbes à l’infinitif
qu’on peut traiter selon le plan suivant :
I_
l’infinitif, une forme intermédiaire entre verbe et nom
1_
la forme verbale :
On
note l’omniprésence des verbes du premier groupe dans le corpus.
Les
verbes à l’infinitif dans le corpus présentent les formes dont la valeur est
celle de :
a_ de voix active pour les verbes transitif comme le cas de :
( 1)
il se hâte d’arranger ses affaires.
( 2)
… et le plaisir me couper la parole.
b_ d’aspect non accompli pour le cas de (3) et accompli pour (4)
( 3) ce
cadet qui… était allé tenter la fortune au loin
( 4) … après avoir dépouillé son père et sa mère…
L’opposition entre les deux formes,
celle de l’infinitif présent (« tenter » dans 3) et l’infinitif passé
(« avoir dépouillé» dans 4) relève d’une différence d’aspect : la
forme simple/Inf présent indique l’aspect non accompli : le procès (la
quête ou la recherche de la fortune) étant envisagé dans son déroulement ;
quant à la forme complexe/ Inf passé indique l’aspect accompli : cette
forme présuppose que l’action du « dépouillement du père et de la mère »
est déjà accompli et l’emploie de l’Adv « après » atteste
l’accomplissement du procès, le sujet « il » nous livre l’état
nouveau résultant de cet accomplissement.
2_ la forme
nominal :
L’infinitif peut entrer dans la
phrase comme constituant nominal et y occupe ainsi les fonctions normalement
réservées au nom, le cas des occurrences suivantes où il remplie la fonction du
COD:
( 5) j’aime à voir une jolie femme.
( 6) J’aime à sentir sous ma main la fermeté
et la rondeur de sa gorge ;
( 7) …à presser ses lèvres des miennes ;
( 8) …à puiser la volupté dans ses regards,
( 9) …et à en expirer entre ses bras.
Dans la mesure où il n’actualise
pas, l’infinitif possède en commun avec le nom sans déterminant cette image
virtuelle/absolue, à laquelle il ajoute, comme on l’a montré, l’idée verbale de
procès.
II_ Les emplois de l’infinitif :
1_ Emplois
verbaux :
L’infinitif peut assumer la fonction
de centre de proposition, comme le ferait un verbe conjugué à un mode
personnel. Ainsi, il est prédicatif et apporte une information inédite.
a_ Infinitif
centre de phrase autonome :
(10)…
mon cœur se troubler de joie,
(11)…
et le plaisir me couper la parole.
Comme il est inapte à actualiser le procès,
l’infinitif ne possède en lui-même aucune valeur modale : il ne permet pas
à lui seul, comme le font les autres modes, de donner une indication sur
l’attitude de l’énonciateur par rapport à l’énoncé (certitude, volonté,
souhait, doute, etc…)
Cette absence de spécificité
explique que l’infinitif puisse, selon des contextes particuliers, se plier à
toutes les modalités : on le rencontrera dans le cas des phrases 10 et 11 (modalité
déclarative) où il peut être remplacé par un indicatif : mon cœur se
trouble de joie/ le plaisir me coupe la parole.
b_ En
subordonnée :
(12) il m’est infiniment
plus doux encore d’avoir secouru le malheureux,
(13) … d’avoir
terminé une affaire épineuse
(14) … Je
connais telle action que je voudrais avoir faite pour tout ce que
je possède.
Dans ces trois
occurrences l’infinitif constitue le centre d’une proposition non autonome.
2_ Emplois
nominaux :
Tout en conservant ses prérogatives
de verbe, l’infinitif peut assumer les divers fonctions syntaxiques du nom.
A la différence de l’emploi verbal,
il n’est plus prédicatif et peut donc être repris par un pronom dans les cas
de :
a_ Complément d’Objet dans les
occurrences 5, 6, 7, 8 et 9
b_ Complément circonstanciel dans
l’occurrence 4
Conclusion:
Au terme de cette étude du corpus,
on a relevé les différentes occurrences qui nous présentent l’infinitif dans
son emploi verbal comme celui nominal, où il remplie divers fonctions et porte
une seule valeur qu’est celle de l’absolu.
NB: Le contenu de cette leçon est une proposition personnelle, susceptible d'être remise en question, mais l'objectif reste celui de partager un exemple de l'exercice de la leçon de grammaire avec les agrégatifs, surtout, et tout intéressé par ce genre de travaux.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire